Humeur du jour.... 10ème....

Il y a 15 ans, j'ai récupéré une chatte jeune adulte à la SPA. Je l'ai vue, seule malheureuse dans un coin parmi tous les chats heureux, et mon cœur m'a dit "c'est elle". C'était mon premier chat, Foufette.
Durant 15 ans, j'ai tout partagé avec elle, mes joies, mes peines, mes vacances, mes balades (promenade en laisse). J'étais en constante interaction avec elle, elle cherchait toujours ma présence, nous étions fusionnelles. Je lui avais appris quelques tours, je l'ai un peu éduquée comme un chien. Jamais je n'ai été séparée d'elle plus de quelques jours.
Il y a 4 ans, elle a eu une tumeur cancéreuse. Nous avons choisi de l'opérer puis de traiter en radiation. Ce fut très dur, mais je l'ai soutenu, elle a tenu bon. Elle venait juste de cicatriser qu'elle a fait une récidive. Re-opération. Cette fois, c'est bon, plus de rechute. Son poil a blanchi à l'endroit des cicatrices, mais à part ça tout allait bien.

Nous avons continué notre vie ensemble, dans tous mes appartements. J'ai été heureuse de lui offrir un jardin pour elle durant 6 ans. Bien sûr, elle vieillissait doucement. Elle était moins souple, moins énergique. Je lui avais aménagé des paliers pour qu'elle puisse monter sur les meubles, je lui ai indiqué comment s'économiser. Je lui offrais des petits plaisirs, comme lui apporter sa pâtée "au lit", lui offrir de l'eau dans tous les supports qu'elle voulait, je l'ai traitée en reine, telle qu'elle était.
Et elle me le rendait au centuple. Le matin, elle était devant ma porte, grattant discrètement du bout de la patte si elle me sentait réveillée avant mon réveil. Le soir, elle attendait devant la porte, elle connaissait mes horaires. A chaque fois qu'elle me voyait, elle clignait des yeux, s'étirait puis ronronnait, venant à ma rencontre en frétillant de la queue, ondulant du croupion. Je ne saurais expliquer tout ce qu'on faisait ensemble...
Toute la maison est imprégnée par sa présence, chaque pièce, chaque meuble, chaque plante, tout le jardin.

Lundi matin, je la trouve mal, elle a du mal à respirer. Je me précipite chez le véto (un couple). Après exams, ils nous indiquent qu'elle a du liquide dans les poumons, qu'ils ne savent pas d'où ça sort et que c'est très fort de sa part qu'elle puisse encore respirer normalement. Ils la trouvent trop faible pour faire quoi que ce soit, elle est en hypothermie. Ils nous donnent des médicaments pour la journée, nous indique de la tenir au chaud et de rappeler le lendemain matin, pour voir si les médicaments ont enlevé suffisamment d'eau pour envisager une ponction.
Je passe toute la journée à ses côtés, à la couver. Elle a des moments où elle reprend toute son énergie, ronronne dès qu'elle me voit, demande à sortir, à manger, elle s'accroche à la vie. Mais à côté de ça elle a du mal à se coucher correctement, elle a une respiration sifflante et un ronron mouillé.

à 6h du soir, on rappelle le véto, pour demander quoi faire s'il y a une crise cette nuit. Et là, le véto nous dit "on en a discuté avec des confrères, elle est condamnée, il ne reste plus que quelques jours". Là, mon monde s'écroule. Je refuse d'y croire, bien sûr. Ils nous demandent de choisir une date, car sa fin serait atroce sans aide. Je suis en pleine crise de terreur. Je transpire la terreur, je suis incapable de m'arrêter de pleurer.
Je la regarde et elle ne me comprend pas, elle continue de ronronner, de bouger normalement. Elle me dit qu'elle m'aime.... Et moi je sais qu'elle est morte, qu'elle doit mourir, alors qu'elle est là, devant moi, en forme extérieurement et bien vivante. Chaque mouvement, chaque regard que je partage avec elle, je sais que ce sont les derniers, ça m'a détruit. "Plus jamais, plus jamais, plus jamais". Je me suis abrutie de calmants pour passer la nuit. Le matin, je n'ai pas pu la regarder, elle commençait à stresser à me voir folle, en pleurs constamment. je ne pouvais plus l'approcher, la toucher, je pétais un plomb, je tremblais. J'ai cru mourir, mon cœur était écrasé, comme s'il sortait de ma poitrine, tout mon corps n'était plus que douleur.
Mes parents étaient là, mardi. La finalité, ce n'est plus "si.." mais "quand" on doit l'endormir. Le véto nous a dit quelques jours. ça voulait dire que ça allait empirer. Là, elle avait encore la forme.
à 10h45, on a pris la décision. Le véto nous a proposé 11h (ils sont voisins).
pendant 15 min, je suis partie dans un autre monde, comme si ceci n'était pas réel, que je nageais en plein cauchemar.  Je l'ai mis dans mon sac, avec ses couvertures. J'ai crû m'écrouler pendant les 2 minutes de trajet. Arrivées à la clinique, on a dû attendre quelques minutes, je refusais de croire ce que j'étais en train de faire, j'étais paniquée, et elle aussi.
Tout est allé trop vite sur la table d'opération, la véto a piqué pour endormir. Elle a voulu monter dans mon sac, car elle sentait qu'elle s'endormait. C'était mes parents qui étaient à côté d'elle et qui la caressaient, j'étais à l'autre bout de la pièce, refusant de croire que c'était la réalité. Ses yeux sont restés ouverts, la bouche aussi. J'ai pu l'approcher, je l'ai caressée, j'ai respirée son poil, je lui ai dit que je l'aimais. On n'a pu rester pour la piqure finale, on a demandé à partir, voir ses yeux ouverts dans le vide m'a rendu folle. Je l'ai abandonnée.......
à la dernière seconde, je pose ma tête délicatement sur son corps, pour lui dire au-revoir. Et là, elle a miaulé, d'un miaulement plaintif. j'ai cru que j'allais mourir, mes parents m'ont traîné hors de la pièce.

Sa fin s'est très mal passée, je n'ai pas pu me contrôler, je ne l'ai pas aidée, elle a eu peur, je l'ai abandonnée...

Tout l'appartement crie sa présence, chaque action, chaque pièce me poignarde. Et mon cerveau me dit "mais elle est où Foufette "?.

Certains de mes amis ainsi que ma soeur et mon père, me reprochent mon deuil "trop fort".
J'ai eu du "courage", j'ai bien fait, c'est fini et il faut que je tourne la page. Je me sens lâche, je l'ai piquée hier en partie car je ne supportais pas de la voir et me dire qu'elle allait devoir mourir.

J'ai rangé ses affaires, l'appart fait vide. Il y a encore des poils de chats sur des vêtements, ça me fait trembler dès que j'en vois un.
Certains de mes amis me reprochent mon deuil, car eux ont perdu un parent, un fils, et EUX seuls ont le droit de faire le deuil aussi fort. Mais Foufette était de ma famille, c'était ma fille, ma mère, ma confidente. Elle était plus qu'un simple animal que l'on nourrit de temps en temps et qui vient et qui repart. C'était la moitié de ma vie, la plus belle moitié de ma vie.



Lorsqu'elle était encore là, on m'a dit qu'il ne fallait pas que je craque, que je reste forte pour elle. Mais j'ai craqué, je m'en veux tellement.
à cette heure-ci, hier, c'était fini. Rentrée à la maison, je me suis assise pendant 15 min, sans bouger, la bouche ouverte, le cerveau et les yeux étaient. J'ai bugé. j'ai refusé que tout ce que je venais de vivre était réel. Que j'allais me réveiller..

Ce matin, je me suis réveillée, et avant même de réfléchir, j'ai senti un grand vide en moi. Et après je me suis souvenue. Que Foufette est partie pour toujours.

J'ai été choquée par la médisance de certains de mes amis, même de la part de ceux qui ont des animaux. Un deuil est un deuil, merci de me rassurer à ce sujet.

J'ai eu des hauts et des bas, cette première journée sans elle. J'ai beaucoup pleuré, sans témoins, et ça fait du bien, ça évacue vraiment les tensions. Avec ma mère, on a réussi à évacuer la majorité de ses affaires. Après, il a fallu combler les vides laissés, alors on a changé la position des meubles, j'ai comblé les trous par des objets et ai mis des plantes un peu partout, afin que mon œil soit attiré par autre chose, une nouveauté et non pas ce vide fracassant.
J'ai fait le ménage, jeté ce que j'ai pu, aspiré le reste... mais il reste encore partout des poils sur des tissus, des couvertures, et ça me liquéfie à chaque fois.
L'inconscient me la rappelle sans arrêts, je pense à faire des actions qui correspondaient à Foufette (ouvrir telle porte, faire attention au froid, laisser des tabourets pour qu'elle puisse sauter, la siffler quand j'arrive..). Je tremble, j'ai froid, je ne mange plus, j'ai des pertes de mémoire, j'ai des vrilles de douleur dans le dos...
Je l'ai aimée passionnément. Quasiment chaque jour, je lui disais " mais comment j'ai pu vivre sans toi ?". Mais maintenant, je dois vivre sans toi, mon amour de poil, et c'est dur, très dur.